Projets 137
Journée mondiale CVX 2008

Les deux derniers numéros de Projets nous ont permis de lancer l’invitation et présenter le thème de notre assemblée mondiale à Fatima 2008. Nous vous offrons dans ce numéro de Projets quelques suggestions de prière, avec l’intention de nous préparer spirituellement, lors de notre journée mondiale, à notre assemblée de Fatima 2008.

Nous espérons que la communauté mondiale toute entière se préparera à Fatima 2008 par la prière personnelle et commune, la participation des délégués et le partage des expériences de vie.

Le mandat reçu des assemblées précédentes est très clair : la CVX est une communauté mondiale, un corps apostolique ayant une mission commune. Dans ces options prises par la communauté, nous voyons clairement l’appel du Seigneur, et donc, l’orientation pour notre cheminement.

A Fatima, nous espérons nous présenter devant le Seigneur comme assemblée mondiale et nous demander si nous vivons cette option avec cohérence. Sa lumière nous montrera les ombres et les lumières de nos vies. Elle nous conduira à réduire l’écart entre nos souhaits et notre vécu, entre nos paroles et nos actions.

Comme source d’inspiration, nous avons choisi : Les apôtres, se réunissent auprès de Jésus, et il lui rapportèrent tout ce qu’ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné. (Marc 6, 30). La méditation des trois binaires proposée dans les exercices spirituels sera l’outil ignatien pour ce travail.

Nous examinerons la vie de notre communauté mondiale, en partageant les expériences des communautés nationales. Ceci nous apportera certainement beaucoup de lumière, mais cela ne suffira pas ; nous souhaitons surtout nous présenter devant la lumière qui ne déçoit pas, pour accomplir un acte de vérité et de confiance, en demandant l’aide du Seigneur pour accroître la cohérence de nos vies.

Les disciples accomplissent cet acte de vérité et de confiance lors de leur assemblée communautaire avec leur Maître. Et ils le font alors même qu’ils mènent une vie qui ne leur laisse pas de temps pour manger, comme nous dit l’évangile de Marc. Déjà à l’époque leur vie de disciple était trépidante…

Après le départ du Seigneur lors de l’ascension, les premières communautés accomplirent cependant un acte de vérité et de confiance. Dans ce numéro de projets nous suggérons précisément une contemplation des actes des apôtres, comme source d’inspiration pour notre préparation priante de Fatima 2008.

Voici certaines des caractéristiques partagées par les premières communautés :

  • La fraîcheur des personnes qui ont reçu sans intermédiaire l’innovante parole de l’évangile ;
  • La radicalité avec laquelle elles ont vécu et annoncé l’évangile ;
  • La capacité de porter le message évangélique à tout le monde ;
  • La remise en question que leur style de vie a suscitée chez les autres ;
  • La capacité d’attirer d’autres personnes ;
  • La manière dont elles ont surmonté les difficultés nées dans la communauté ;
  • Une forte expérience de communauté qui a profondément frappé les autres : “voyez comme ils s’aiment !”

Autant la contemplation de la vie du Christ nous met en mouvement pour être plus proche de Jésus (spiritualité) et travailler avec lui (éthique), autant la contemplation de l’Église primitive peut nous pousser à nous sentir proche de l’Église (communion) et travailler avec elle (mission). Mais nous devons comprendre que la contemplation n’est pas une activité intellectuelle. Elle consiste à nous impliquer dans la scène et accepter qu’elle nous incite à l’action apostolique.

Plusieurs textes des actes des apôtres peuvent être offerts en exemple. Voici quelques suggestions de prière. N’hésitez pas à choisir quelque autre texte des actes des apôtres qui pourrait aider à éclairer notre corps apostolique.

Première contemplation : L’Ascension.

Et comme ils étaient là les yeux fixés au ciel pendant qu’il s’en allait, voici que deux hommes vêtus de blanc se trouvaient è leurs côtés ; ils leur dirent : “hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ?” (Ac. 1,10-11)

L’ascension est un acte apostolique immense : Jésus quitte quelques uns pour qu’à travers ceux-ci, il soit accessible à tous. Le Seigneur s’en va, mais les disciples restent regarder le ciel jusqu’à ce que les hommes vêtus de blanc les interrogent.

Jésus nous envoie des anges modernes pour nous provoquer : nos enfants incrédules ou suspicieux, nos collègues de travail qui nous trouvent trop éloignés de la réalité et spirituels, nos jeunes qui nous accusent de regarder excessivement le ciel, la société qui ne comprend pas et nous demande ce que nous faisons.

Nous gagnerons énormément à reconnaître ce type d’ange, et non de démon, qui nous questionnent et nous mettent au défi. Les évangiles ne nous appartiennent pas, ni comme individus, ni comme communauté ecclésiale, ni même comme apôtres.

Deuxième contemplation : Promesse et baptême

Mais vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous, vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre” (Actes 1,8)

Notre vie chrétienne est une promesse chaque jour démontrée. Dans nos sociétés chrétiennes, le baptême est souvent compris comme un événement particulier de notre enfance. Mais la grande promesse du baptême est l’Esprit (Ac. 1,5). Dans notre Église, nous devons souligner fortement la promesse et le désir de cet autre baptême, qui nous transforme en témoins et nous conduit vers des lieux théologiques encore inconnus de nous, et même aux extrémités de la terre.

Il ne nous appartient de savoir ce que le Père fera (Ac. 1, 7). Nous devons profondément croire que nous serons baptisés par le Saint-Esprit, pas uniquement dans le sacrement de confirmation, mais aussi dans notre vie quotidienne. Notre défi comme Église est de “démocratiser” le Saint-Esprit et vivre la promesse permanente.

Nous pouvons demander la grâce de nous référer à notre Père comme des enfants mûrs, des apôtres pécheurs ouverts à sa force (l’Esprit), et attentifs aux instructions données à travers Jésus (discernement).

Troisième contemplation : le choix de Mathias

"Il faut donc que, de ces hommes qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu au milieu de nous, -en commençant au baptême de Jean jusqu’au jour où il nous fut enlevé, il y en ait un qui devienne avec nous témoin de sa résurrection." Ac 1:21-22

Une authentique expérience spirituelle ne rend pas parfait. Suivre le christ jusqu’à son ascension dans le ciel, nous « qualifie » à être apôtres, c’est-à-dire, nous rend capables d’être témoins de Jésus ressuscité. (Ac. 1,22).

Nous ferons parfois l’expérience de ce pouvoir qui vient de Dieu et nous appelle, des dons humains qu’Il nous fait, du soutien dont nous bénéficions de la communauté, de la maturité que nous acquérons tout au long de notre vie. Mais nous expérimenterons aussi notre petitesse, notre fragilité ou notre manque de clarté qui parfois nous arrêtent ou nous déroutent.

Au sein de l’Église, nous devons nous aider à purifier ces tensions, à réduire notre fausse modestie, à nous rendre disponibles à être choisis en première ligne comme Mathias l’a été, ou à demeurer dans d’autres places comme Joseph. L’Église a besoin de personnes disponibles – certains plus visibles que d’autres – mais toujours apôtres. Faisons notre possible afin que nos Églises soient en mesure de dire de nous : voici des femmes et des hommes qui ont marché avec nous… qui connaissent Jésus… qui sont disponibles.

Quatrième contemplation : Pentecôte.

“Tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. (Ac. 2,2)

La pentecôte est présentée comme une agitation, une irruption, une explosion, une flamme. La rencontre des croyants, avec Marie au milieu d’eux, était un fait régulier. Ils étaient sereins, bien qu’en attente. Ils échangeaient des souvenirs, louaient et reconnaissaient les signes et les promesses.

Mais avec la pentecôte, le calme prit fin. L’esprit s’affichait publiquement et les envoyait à la rencontre des autres. Une question surgit : " Que peut bien être cela ? " (Ac. 2,12).

Il convient aujourd’hui d’insister sur la provocante et étonnante qualité du Saint-Esprit, ainsi que les qualités de polyglotte des apôtres qui leur permit de porter ce message à différent peuples. Le texte de l’écriture ne nous dit pas que tous commencèrent à parler la même langue, mais que chacun pouvait entendre les apôtres parler sa propre langue (Ac. 2,6 ; Ac. 2,11).

Si l’Église veut être multilingue, il est crucial de développer une “théologie de la conversation”, et pas uniquement une théologie académique et magistrale. De ce point de vue, nous laïcs avons une contribution à apporter. Étant donné que les termes généraux étaient multilingues, nous parlons aussi bien le langage de la foi et de l’esprit, que le langage de la science, de l’argent, de la famille, du sexe, du travail et de la politique. Nous avons besoin d’une puissante roue motrice, d’une double explosion !

Cinquième contemplation : Discours de Pierre.

" Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié." (Ac. 2,25-37)

Dans l’Église, nous expérimentons une continuelle interaction. Parfois nous aurons le ton direct de Pierre, parlant clairement avec un ton ferme et provocateur. Ce ton est un don de Dieu que nous avons à demander. Nous sommes porteurs et gardien d’un message qui nous permet d’expliquer “ce qui arrive”. ( Ac 2,13)

L’assurance de Pierre n’est pas toujours limitée aux évêques, autant que l’attitude d’écoute n’est pas réservée aux laïcs. La question de Pierre - qu’allons-nous faire ? - nous invite à une collaboration et un discernement permanent. Comme Pierre, nous croyons ce qu’a dit le prophète Joël : … Il se fera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards des songes. (Ac 2:16-18)

Sixième contemplation : guérison du paralytique mendiant

" De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazôréen, marche ! " (Ac.3,6)

Nous vivons dans un monde où les résultats sont très importants. Ils nous sont sans cesse demandés tant dans l’Église qu’en dehors d’elle. Et nous expérimentons souvent le manque et la précarité des ressources.

Ce que j’ai, je vous le donne, aurions-nous voulu dire. Ce que nous avons est l’expérience, la formation, le sens de la mission, la clarté pour voir et projeter, les qualités d’organisation.

Comme Pierre cependant, nous sommes également conscients de nos incohérences et limites, faiblesses et incompétences. Mais le pouvoir de Jésus Christ peut nous habiter. De fait, nous sommes bien souvent d’humbles agents de miracles. La première Église disposait de peu de ressources matérielles, mais elle a compensé cette pauvreté matérielle avec un sens élevé de solidarité et de responsabilité commune. Par dessus tout, l’Église bénéficiait du grand pouvoir du Saint-Esprit et la certitude de vouloir agir “au nom de Jésus Christ”.

Nous disposons de nombreux dons pas toujours utilisés ni montrés, comme le paralytique qui a été en mesure de bondir devant tous montrant ce qu’il a reçu.

Septième contemplation : les biens matériels

Quand tu avais ton bien, n’étais-tu pas libre de le garder ? ... Comment donc cette décision a-t-elle pu naître dans ton cœur ? (Ac.5,4)

La communion des esprits et des âmes fut tellement profonde dans la communauté que personne n’était dans le besoin. Il eut des cas d’extrême générosité, comme celui de Joseph Cyprus qui a vendu sa propriété pour en remettre complètement le prix aux apôtres.
C’est dans ce contexte que le péché d’Ananie et Saphire est présenté : décevoir la communauté, mentir au Saint-Esprit, se poser en détenteur de privilèges. Dans un épisode ultérieur, l’argent est présenté comme l’opposé du Saint-Esprit et du salut. À Simon qui tentait d’acheter pour lui le pouvoir de l’Esprit, Pierre dit : "Périsse ton argent, et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d’argent ! (Ac. 8,20).

Les apôtres avaient une position ferme sur l’argent. En considérant une analogie moderne, le péché d’Ananie et Saphire serait celui de la recherche de la protection personnelle, du pouvoir, de leur propre sécurité, avoir la communauté comme un bien flatteur et le Seigneur comme un hôte en lieu sûr. Il y avait également un accord et une complicité à pécher entre le mari et son épouse. Ils usèrent de supercherie et de mensonges pour essayer de cacher la vérité à la communauté. Il s’agit dans ce cas d’une propriété, mais nous pouvons aussi penser à d’autres avoirs : talents personnels, connaissance, temps, lieux, projets etc. Finalement, c’est le péché qui consiste à penser et agir de manière individualiste, sans égard à la communauté et à la justice, que nous devons éviter.

Le projet qui m’émeut tant, est-il mien ? Ou est-ce un projet de la communauté pour une plus grande justice, sachant que plus nombreux seront les gens rejoints par ce projet, meilleur il est.

L’épisode est douloureux car tous deux sont décédés de leur péché. Mais nous mourrons tous à cause du péché. Nous mourrons tous les jours et nous tuons tous les jours. Embellir notre image nous met à l’écart des autres, et de cette manière nous mourrons. Nous privons les autres de ce à quoi ils ont droit, et ce faisant nous tuons ! La mort est la conséquence de notre péché, tandis que la résurrection est l’oeuvre de la miséricorde divine. Ainsi, être témoin de la résurrection c’est être miséricordieux.

Dans le monde actuel, il est impérieux de revoir notre rapport à l’argent dans cette perspective. Et ce, tout en considérant les inégalités dans les institutions de notre Église et en agissant comme les disciples d’Antioche qui décidèrent alors d’envoyer, chacun selon ses moyens, des secours aux frères de Judée (Ac. 11,29)

Plusieurs autres contemplations des actes des apôtres peuvent éclairer notre manière d’être Église aujourd’hui : les diacres et les ministères, le martyre d’Etienne, Philippe et l’annonce de l’évangile en Samarie ou la grande leçon pédagogique de sa rencontre avec l’Éthiopien, l’apparition de Saül et sa conversion, l’apôtre Paul et son disciple Barnabé. Le tempérament de Pierre a parfois engagé le dialogue, suscité des visions, conduit en prison ou guérit des malades.

Le discours de Paul devant l’aréopage d’Athènes peut aussi être inspirant, lorsqu’il parle la langue de l’assistance. Un autre texte marquant se réfère à la manière dont la communauté surmonte ses tensions dans le conseil de Jérusalem, afin de mieux s’ouvrir au monde et servir le royaume.

Tous les chrétiens peuvent s’identifier avec plusieurs de ces personnes. Ce faisant, nous pouvons trouver un fil conducteur pour comprendre la richesse et la variété des dons, des charismes, ministères et relations. Mais cet exercice d’identification nous permet également de voir notre péché, nos affections désordonnées d’aujourd’hui aussi bien au niveau personnel que celui de l’Église que nous sommes.

Prions les uns pour les autres en préparation de notre assemblée. Nous vous invitons également à organiser une collecte afin de contribuer à notre fonds de solidarité, invitant les membres par avance à s’impliquer dans cet acte précis de générosité.

In Christo.
Daniela Frank, Présidente
José Reyes, Vice Président
Alberto Brito, SJ, Assistant ecclésiastique

Janvier 2008

(Traduit du texte original espagnol)

Alberto BRITO sj - Assistant ecclésiastique
Daniela FRANK - Présidente du Conseil Exécutif Mondial de 2003 à 2013
José REYES
10 janvier 2008
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