« Magis » - pourquoi le projet des jesuites pour les JMJ veut « davantage »

Ne faut-il pas marcher le nez en l’air pour être vu dans la foule ? Pour quelle autre raison les jésuites appelleraient-ils leur contribution aux JMJ 2005 « Magis » - « Davantage » ? « Quoi que vous fassiez, vous autres, nous ferons plus, davantage : c.à.d. mieux, plus élaboré ». Voilà bien le message, non ? En effet, St Ignace, le fondateur de la Compagnie de Jésus, a fait exactement la même réflexion - au début de sa vie. Passionné par la vie des saints, il s’est dit : « Je veux devenir comme eux, mieux encore : moi, Ignace, je pourrai même faire davantage ».

Or Ignace se casse la figure. Dans son ambition de devenir comme les saints, il se retire dans la solitude, à Manrèse. Il jeûne de plus en plus, prie de plus en plus, fait de la pénitence, de plus en plus ! Et il fait de moins en moins l’expérience de la présence de Dieu. Jusqu’à aboutir tout au fond, devant l’abîme, le suicide, prêt à courir après un chien, si seulement cela pouvait servir. Jusqu’au moment où il comprend : ce que je suis en train de faire, Dieu ne le veut pas. Dieu veut « davantage », mais un tout autre « davantage ».

À la suite de cette expérience, Ignace refait des études et découvre ce nouveau « magis » : Il m’arrive souvent, se dit-il, que je ne suis pas obligé de choisir entre le bien et le mal, mais entre un bien et un autre bien. Les vrais problèmes ne sont pas là où je suis amené à choisir entre une fausse route évidente et un progrès clair. Je rencontre des problèmes là où deux bonnes idées m’habitent, alors que je ne puis en réaliser qu’une seule. Comment choisir ? C’est précisément en ce moment qu’Ignace découvre son nouveau « magis » : Si, à première vue, il a tout l’air de l’ancien, il s’agit en fait de toute autre chose.

Tout d’abord, et très simplement, Ignace réfléchit ! A l’époque, dans sa qualité d’ascète de haut niveau, il n’avait aucunement besoin de réfléchir. Il avait toujours la certitude, limpide, sur ce qu’il fallait faire. La seule interrogation qui restait était de savoir s’il allait y arriver. Tandis que maintenant, dans la mesure où il réfléchit sur ce que pourrait être ce « magis » dans le choix entre deux « bonnes choses », il se trouve dans une incertitude fondamentale et la situation demeure ouverte. C’est la raison pour laquelle le « magis » exige réflexion et expérimentation.

Y a-t-il pour cela une norme, un critère ? Ignace découvre que le critère, c’est « ce qui nous conduit davantage vers la fin pour laquelle nous sommes créés ». Ecoutez bien : il ne s’agit plus de faire toujours plus, mais de me laisser conduire toujours davantage, me laisser bouger et changer ma vie vers une fin que Dieu m’a donnée.

Quant au chemin vers cette fin : j’essaie de comprendre et de façonner toujours davantage ma vie, et ceci sous le regard de et avec le regard vers celui qui m’a créé, qui m’aime et qui veut que ma vie réussisse. Par conséquent : non pas plus d’effort, mais plus d’attention, non pas plus de discours et de savoir, mais plus de questionnement et de recherche. Et quand Ignace dit : « ...trouver Dieu en toute chose », il veut dire : en chaque expérience, seul et en communauté, dans le travail et le repos, dans le silence et dans la fête. Le projet « Magis » voudrait aider à mettre des jeunes sur la voie de cette expérience de St. Ignace.

in : DIREKT de la KSJ (Katholische Studierende Jugend, Jeunesse Etudiante Catholique), Automne 2004

Tobias SPECKER sj
octobre 2004
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