L’accompagnement spirituel

Lors de notre pèlerinage à Loyola, j’ai pu me rendre compte une fois de plus comment Ignace a découvert progressivement sa voie, qu’il a eu recours à des moyens simples et ordinaires et qu’il nous encourage sur ce chemin de croissance au quotidien.

Plus d’une fois dans le « Récit du Pèlerin », le récit de son chemin de conversion, Ignace note qu’il s’est concerté avec le « confesseur ». Il fait des découvertes, il relit ce qui se passe en lui, il note ses expériences spirituelles et il en parle à un témoin qu’il nomme à ce moment « confesseur ».
Par cette parole exprimée devant un autre, il se confronte au réel, fait crever la bulle de son imaginaire et se remet debout pour une nouvelle étape.

Plus tard, dans les « Exercices Spirituels », Ignace recommande vivement cette ouverture et il donne même des consignes précises pour l’accompagnateur et l’accompagné.

Les Principes Généraux, notre Charte en CVX, invitent à la pratique de la « direction spirituelle » ou de l’accompagnement, comme nous avons l’habitude de dire, et ils l’inscrivent dans les moyens à prendre pour « tendre à une continuelle croissance spirituelle et sociale ».
(PG 12 : « Manière de vivre »)

Les articles sur cet « art des arts » abondent. J’en cite quelques-uns qui ont été éclairants pour moi en ce moment. Vous en connaissez bien d’autres.

Je partage dans cet apport quelques convictions qui m’habitent et m’accompagnent. Je n’ai d’autre « prétention » ou désir que de vous donner le goût d’oser l’aventure de l’accompagnement spirituel.

* Une conviction fondamentale est sans aucun doute le « présupposé de bienveillance » qu’Ignace donne au début de son livret des « Exercices Spirituels » au No 22. Il dit : « Il faut présupposer que tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition du prochain qu’à la condamner ». Ce principe de confiance mutuelle est la base de tout accompagnement, de tout échange ou partage.

* Apprendre à se laisser conduire par l’Esprit, repérer ce qui passe en nous, discerner, choisir, tout cela est un long apprentissage et nous savons que nous ne pouvons pas marcher tout seul sur ce chemin. Comme chrétien nous n’avançons pas seul. Notre foi est profondément personnelle, mais jamais solitaire. C’est important d’avoir un complément de regard et l’accompagnement est ce supplément nécessaire. L’accompagnateur n’est pas empêtré dans notre réalité. Il a l’avantage de la distance et peut donc voir plus objectivement.

* Dans un entretien d’accompagnement nous exprimons à haute voix ce qui nous anime. En faisant ne serait-ce que cela, nous voyons déjà plus clair en nous.

* L’accompagnateur est un témoin de notre chemin. Nous devons aller notre propre chemin. Il nous assiste grâce à sa propre expérience de vie et de foi. Il peut poser des questions, attirer notre attention sur différentes choses, nous faire part de l’une ou l’autre réflexion, mais la décision finale et l’action nous appartiennent toujours.
La condition essentielle, incontournable, c’est la liberté, de part et d’autre. L’accompagnateur ne commande rien dans notre vie. Il est témoin attentif des signes de Dieu, sans aucun projet préconçu sur nous. Il rejoint la personne là où elle est, dans son vécu d’aujourd’hui.
(« Exercices » Annot. 4)

* Qui choisir ? Cela peut être un prêtre, un religieux ou une religieuse, mais pas forcément. Aujourd’hui des laïcs, hommes et femmes se forment pour rendre ce service. Si l’on n’en connaît pas, on peut aussi s’adresser à une personne de son entourage, quelqu’un en qui on puisse reconnaître un ou une ami(e) de Dieu, capable de discrétion, de respect, de prière.
Un ami peut-il être un bon accompagnateur spirituel ? Pas forcément, car il faut toujours un peu de distance pour mieux respecter la liberté profonde nécessaire à cette recherche de la voix de Dieu. Mais il est vrai qu’à l’inverse un accompagnateur peut devenir un ami, de ces amis qui nous laissent aller avec discrétion et reconnaissance, libres, là où est notre chemin.

* A quel rythme ? C’est important d’inscrire les rencontres dans une certaine régularité. Le rythme est individuel et dépend de l’étape de vie que nous traversons. Il est toujours à clarifier en accord avec l’accompagnateur. Commencer par des rencontres mensuelles peut être aidant pour se familiariser à cette démarche. Par la suite, une rencontre toutes les six ou huit semaines peut représenter un bon « rythme de croisière ».

* Dieu est l’interlocuteur principal. L’accompagnateur spirituel est le facilitateur de la relation entre le Créateur (Dieu) et sa créature. (« Exercices » Annot. 5) Normalement il ne nous dit pas ce que nous devons faire, mais il fait écho à ce que nous avons partagé, à ce que nous devenons avec le Seigneur dans notre vie concrète. C’est une prière.

* L’accompagnement spirituel permet avant tout de « relire sa vie pour y lire Dieu » : relire, ce n’est pas raconter, se raconter, c’est « relier », faire des liens, qui révèlent un don à accueillir, une lumière à recevoir, un chemin à suivre qui s’ouvre devant nous : c’est avec un témoin, grandir en liberté et en confiance.

Sr Elisabeth Blanche rdc

Quelques références :
Site www.croire.com : « A quoi sert un guide spirituel ? Comment choisir un accompagnateur ? »
Vie chrétienne No 480 : « Que se passe-t-il en nous » ? de Monique Larrain
« Magis » Carnet du Pèlerin : Accompagnement spirituel 5.2.3
« Accompagner des personnes et des groupes » de Sr. Christine Zeller, in : CVX info No 35

Elisabeth BLANCHE rdc
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