Introduction –
Chant à Marie : Donne-nous ton fils

Evangile de Jean entrecoupé d’extraits du livre de Raphaël Buyse « Il n’y a que les fous pour être sages ».

Editeur Salvator
Date de parution 24/03/2022
ISBN 978-2-7067-2163-2
121 pages

Ce texte de l’évangile me parle depuis longtemps. C’est le chapitre 21 de l’évangile de Jean - j’y reviens sans cesse : c’est mon mantra. Je le lis, le relie, le médite et le prie. Je crois maintenant que j’y habite. J’y ai construit une petite cabane.

01 Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment.
02 Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.
03 Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.

Chant : Jésus, le Christ, Lumière intérieure

Ce vingt-et-unième chapitre a été rédigé par une main inconnue et ajouter aux précédents quelques années plus tard.

Nous ne sommes plus dans la grande ville, nous ne sommes plus sur les lieux de la passion ou dans le cimetière du Golgotha, nous ne sommes plus sur les parvis du temple, la scène se passe sur une plage au lac de Tibériade et c’est la nuit.

Les disciples avaient repris leur métier de pêcheur comme si la parenthèse de leur vie avec Jésus s’achevait sur un échec et une absence. Ils l’avaient vu vivant mais il n’était plus là. C’est dans leur vie tout ordinaire qu’il va mystérieusement les retrouver, là même où il les avait rencontrés pour la première fois. Il rencontre toujours l’homme sur les bords de sa vie.

La sagesse nous rend attentifs et présents à notre vie, elle nous apprend que l’aventure de la foi se joue dans le réel de l’existence. Les multiples occupations du quotidien, la vie de famille, les engagements au service du bien commun et les épreuves quelquefois, la foi en Dieu ne nous soustrait jamais au monde. Nous ne marcherons sans doute jamais sur l’eau, nous ne serons jamais témoins d’une pêche extraordinaire, nous ne changerons jamais l’eau en vin, mais l’esprit de sagesse nous donnera de marcher sur nos peurs et de savoir contempler la bonté qu’il y a chez tant d’êtres humains. Il nous apprend que nous n’avons pas d’autres moyens de rencontrer le Christ qu’en habitant pleinement les ici et maintenant de notre vie. C’est sur ce rivage là qu’il nous donne rendez-vous.

• Je contemple ma vie. Quels sont ces moments où j’avais un sentiment d’échec ?
• Qu’est-ce qui m’a fait rebondir ? Y ai-je reconnu la présence de Jésus au bord de ma vie ?

Silence -
Chant : Jésus, le Christ, Lumière intérieure

04 Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui.
05 Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. »

Chant : La ténèbre n’est point ténèbre

Mais, « cette nuit-là ils ne prirent rien ». On imagine sans peine le désarroi de ces hommes, c’étaient des « pros » de la pêche. Or le filet restait désespérément vide.

Je les imagine bien se questionner en eux-mêmes sur ce qui se passe. Prendre à parti le travail de leurs compagnons, s’interroger les uns les autres, leurs filets.

Cette nuit-là tout semble vide. Leur cœur aussi. Les disciples fatigués éprouvent leur impuissance, comme nous à certaines heures, quand nous faisons le constat que l’Église n’est plus attendue et que notre société s’en est affranchie. Sentiment de ne pas être écouté, entendu, attendu.

Sans consentement à cette réalité d’une bonne partie de notre existence, il n’y a pas d’expérience spirituelle possible. Lorsque nos filets remontent vides, quelque chose du mystère de l’Alliance se prépare.

Nous asseoir, regarder les filets vides de nos vies, ne pas rêver de nos existences, ne pas donner à nos vies des accents romantiques, ne pas proposer des réponses inspirées du passé, ne pas céder aux sirènes du futur, ne pas rompre devant la peur, ne pas nous décourager…

Nous n’osons pas assez parler ensemble de nos filets vides : Il est pourtant bon et salutaire de nous avouer les uns aux autres que la vie est parfois dure pour nous. Les liens que nous tissons avec d’autres dans ces heures douloureuses préparent l’aurore. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ! L’Esprit de sagesse nous invite à ne jamais faire semblant que tout va bien. La vérité nous prépare à entrer dans le mystère de Pâques.

• Je contemple mon filet vide. Quel sentiment cela suscite en moi ?
• A qui je peux en parler ? Est-ce que j’ai quelqu’un à qui me confier ?

Silence -
Chant : La ténèbre n’est point ténèbre

06 Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons.

Chant : Nada te turbe

« Lancez à droite » ! Mais quoi ? On ne leur avait jamais dit ça ! Le filet s’est bien à gauche qu’ils le lançaient depuis toujours. Leurs pères et les pères de leurs pères leur avait appris cela. Les barques étaient construites pour qu’il en soit ainsi. Ce n’était pas un inconnu qui leur dirait ce qu’il faut faire !

En leur disant : « Lancez à droite », il voulait dire : « faites la même chose mais autrement. » Dans l’aube naissante il a mis une fois de plus à l’envers tout ce qu’ils croyaient savoir. C’est la sagesse : faire la même chose, mais autrement.

Quand nos filets sont vides dans nos vies personnelles, nos sociétés et l’Eglise, il y aurait sans doute de la lumière à recevoir en écoutant avec confiance l’invitation de l’inconnu du lac. On ne peut pas changer ce qui ne va pas en refaisant les mêmes choses qu’avant. « On ne résout pas un problème en utilisant les modes de pensée qui l’ont engendré ». La sagesse nous invite à nous défaire de nos habitudes grisâtres et de nos routines mortifères. C’est l’heure de lancer les filets « de l’autre côté », l’heure de changer de point de vue pour changer de point de vie. Son Esprit nous invite à cela.

• Dans ma vie, quelles invitations à changer me sont adressés ?
• Faire la même chose, mais autrement, qu’est-ce que cela m’inspire ?

Silence -
Chant : Nada te turbe

07 Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau.
08 Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres.
09 Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. »
11 Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré.
12 Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur.
13 Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
14 C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.

Chant : Rejoice in the Lord always

En voyant le filet rempli de poissons, Jean, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ». J’ai peine à penser que Jean se soit mis à crier cela comme par enchantement. Jean a vu le filet plein. Il en est ébahi. Il regarde ses compagnons, puis l’homme sur le rivage. Il regarde ses frères, puis encore une fois les poissons qui frétillent dans la nasse. Ensuite il regarde encore vers le rivage… En lui, une synthèse s’accomplit. Il comprend ce qui se passe. Le fruit de cette pêche abondante lui apparaît dans une nouvelle lumière que l’Esprit met au cœur de son cœur. Dans un croisement de regards, il comprend : « Oui c’est le Seigneur. »

Une force rayonnée du cri de Jean au point de délier Pierre des conventions qui le retenait. Il s’est senti attiré personnellement.

Il plonge spontanément. C’est un acte un peu fou. Il aurait pu attendre que la barque se rapproche du rivage. Ce saut non calculé témoigne d’une libération qui se fait en lui. Alors que des contraintes nous enserrent de toutes parts et que les forces de mort nous déterminent souvent au point de nous tétaniser, l’Esprit de sagesse nous pousse à l’eau et nous donne la capacité d’aller de l’avant et de reprendre notre vie en main. La reconnaissance de Jésus sur nos rivages fait de nous des êtres audacieux et libres. En nous laissant habiter par cet esprit nous devenons ce que nous sommes.

• Je contemple ma vie. Quand est-ce que j’ai fait un saut incalculé comme Pierre ?
• Quand est-ce que je me suis senti libre et vraiment moi-même ?

Silence -
Chant : Rejoice in the Lord always

15 Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »
16 Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. »
17 Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis.
18 Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
19 Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »

Chant : En todo amar y servir

C’en est suivi un dialogue bouleversant entre Jésus et Pierre. Par trois fois Jésus lui a demandé « M’aimes-tu » et par trois fois il lui a demandé de prendre soin de ses amis. De Pierre le fou, il a fait un berger ! Encore une fois il sortait de nos logiques infra- humaines mettant tout à l’envers… A moins que ce soit tout à l’endroit !

Contre toute attente humaine, Jésus a redonné confiance à Pierre : sa foi dans le possible de l’homme étonnera toujours. Il va toujours chercher les gens du côté de la vie : Il pardonne. Quand l’être humain ne croit plus en lui-même, l’Esprit prend le relais pour lui faire ressentir la beauté de la miséricorde.

Dans l’Eglise, il faut le dire, il est bien rare qu’on s’interroge sur l’amour. On se demande si quelqu’un sait animer une assemblée, s’il a le sens de l’organisation, s’il est loyal envers ses supérieurs. On se demande s’il sait se débrouiller dans les relations mondaines ou s’il chante assez juste. On ne se demande quasiment jamais s’il aime les gens. Or cela semble être la seule question qui intéresse Jésus : c’est bien dans cette question-là que se joue le destin de l’homme et de l’Eglise.

Les trois questions de Jésus préludaient ce métier de berger dans lequel il attendait instituer Pierre, berger, à sa suite.

Lorsque le Seigneur nous appelle et nous envoie, son Esprit de sagesse accorde notre vie à la taille du monde. Nous découvrons que nous ne sommes pas le centre de l’univers. L’Esprit dilate nos horizons. Avoir le goût des grands espaces est un signe clair de son travail en nous. Alors nous entendons le cri des plus petits des pauvres et des laissés-pour-compte. Nous entendons la solitude que vivent tant de personnes. Il pousse vers elles, irrésistiblement. Il nous soulève et nous éclaire. Et nous changeons. Par lui nous devenons plus humains.

• « M’aimes-tu » ? Cette question, Jésus, me l’adresse aussi. Qu’est-ce que je réponds ?
• « Suis-moi ». Cette invitation, Jésus, me l’adresse aussi. Où suis-je appelé ?

Silence -
Chant : En todo amar y servir