« Comment mieux expliciter dans nos partages le lien entre nos vies et la vie du Christ ? »

Lors du dernier Conseil des Coordinateurs (CoCo du 18 juin 2011), le team National (TN) avait posé la question : « Où et comment Dieu est-il présent dans ce que nous vivons et partageons en groupe ? ». Les réponses à cette question avaient surtout porté sur l’atmosphère de prière et de confiance dans les groupes, ou encore sur le choix d’un évangile en lien avec le thème choisi pour la réunion. La présence de Dieu apparaissait donc comme plus tangible dans les modalités des réunions, la manière dont elles se déroulent que dans le contenu même des partages.

Cet après-midi, nous voudrions enfoncer un peu le clou en nous interrogeant avec vous sur la référence directe des choses partagées par les membres de vos groupes avec la vie de Jésus et sur l’aide que nous pouvons nous apporter les uns aux autres au 2e tour pour expliciter le lien entre nos vies et celle du Christ. Peut-être l’un ou l’autre membre de votre groupe le fait déjà spontanément. Plus que probablement, cela reste l’exception. Comment mieux faire le lien entre nos partages et la vie de Jésus ? Et d’abord, pourquoi le faire ?

1. Trois bonnes raisons pour nous référer plus explicitement à la vie de Jésus dans nos partages

La relecture et le partage de vie ne sont pas des exercices faciles. Souvent et facilement, nous en restons à une lecture horizontale, purement humaine. Les feedbacks du 2e tour ont tendance alors soit à rationaliser (discussions), à psychologiser ou à moraliser. Il devient difficile dans ces conditions de discerner la présence ou l’action de Dieu dans ce que nous vivons, ce qui est le but premier de nos relectures et partages.

Je vois trois bonnes raisons pour faire le lien explicite entre les choses partagées en groupe et la vie de Jésus :

  En nous demandant si le partage d’un membre peut mieux se comprendre par référence à l’évangile, nous prenons au sérieux la profondeur de son expérience. Nous exprimons notre foi que Dieu est présent dans sa vie, que son expérience fait partie d’une histoire sacrée.

  De plus, nous permettons au coéquipier de situer sa vie dans une vie de disciple à la suite du Christ, nous l’aidons à prendre davantage distance par rapport au vécu direct pour reconnaître des traces de Dieu, des appels peut-être à aller de l’avant. Il y a donc un « plus », un « magis » à en attendre.

  Finalement, comme l’exprime le document « Processus de croissance en CVX » (Supplément à Progressio, 64) : « Jésus de Nazareth est notre seul modèle, notre inspiration et notre horizon dans notre croissance humaine et spirituelle. Il est aussi le chemin pour connaître Dieu, pour découvrir notre vocation et notre mission. L’expérience de s’approcher de la vie de Jésus est un élément essentiel dans le processus CVX. » (n° 4)

2. Cinq exemples concrets de « relecture évangélique »

a) Un membre fait état de doutes et d’angoisses par rapport à des questions qui se posent à lui ou que sa situation du moment lui pose. Le doute bloque souvent, paralyse et rend incapable de réagir. Si nous le sentons ainsi, il peut être aidant de rappeler des épisodes comme la guérison d’un paralysé (Jean 5,1-9) ou de l’homme à la main paralysée (Mt 12,9-21). L’angoisse rend aveugle aussi, ne permet pas d’y voir clair : la référence à la guérison d’un aveugle (Mc 10,46-52) peut aider à se mettre en face de Jésus avec son handicap du moment, de se sentir conforté par le désir de Jésus de guérir toute infirmité.

b) Il arrive qu’un membre a l’impression de ne rien vivre de particulier. Rien ne semble bouger, il n’y a pas de résultats tangibles dans sa vie professionnelle ou sur le plan des relations, la vie apparaît comme ennuyeuse. Rappeler la parabole de la semence qui pousse d’elle-même (Mc 4,26-29) ou la vie cachée de Jésus à Nazareth (Lc 2,39-40) peut donner un sens à cette absence apparente de vie : peut-être une vie nouvelle se prépare-t-elle justement dans le secret ?

c) Quelqu’un fait état de difficultés sur son lieu de travail, d’oppositions ou de contradictions dans son entourage. Faire le lien avec des scènes où Jésus est pris à parti par les pharisiens peut aider à se sentir à sa place à ses côtés. De même, l’annonce de persécutions pour les disciples ou la 8e béatitude peuvent nous amener à acccepeter des circonstances extérieures difficiles ou à les porter avec sérénité.

d) Quelqu’un partage une grande joie, une expérience de consolation. Pourquoi ne pas faire le lien avec la joie autour de la naissance de Jésus (Lc 2,1-17) ou de Jean-Baptiste (Lc 1,57-79) ? Ou encore avec l’exclamation joyeuse de Jésus quand ses disciples racontent ce qu’ils ont vécu en mission (Mt 11,25-27) ou le Magnificat de la Vierge Marie (Lc 1,46-56) ?

e) Quelqu’un traverse une crise dans sa vie, se trouve face à des déceptions ou désillusions et a l’impression de devoir tout recommencer à zéro. Lui rappeler l’entretien de Jésus avec Nicodème (Jn 3,1-9) avec l’exigence de naître à nouveau peut ouvrir une nouvelle dimension à sa recherche. La méditation du long entretien de Jésus avec la femme samaritaine où il l’amène pas à pas à la vérité tout entière (Jn 4,1-26) pourrait s’avérer utile. Ou encore le rappel des tentations de Jésus avec sa lutte contre des fausses valeurs (Mt 4,1-11), etc.

Ce ne sont là que quelques exemples, éclairants, j’espère. Peut-être d’autres vous sont venus en m’écoutant ou bien vous en avez déjà partagés en groupe. Nous aurons l’occasion tout à l’heure d’échanger à ce sujet.

3. Deux précautions à prendre

  La référence à l’évangile ne doit pas nous dispenser de l’obligation d’écouter attentivement ce que l’autre veut nous partager. Il y a sans doute moyen d’assommer les autres à coups de citations bibliques et d’éviter de nous laisser toucher vraiment en profondeur ! Aussi recommanderais-je un usage modéré de cet outil, en passant toujours par la reconnaissance d’une dynamique spirituelle à l’œuvre chez la coéquipière et Jésus ou les personnages de l’évangile. Les Exercices de saint Ignace peuvent jouer ici un rôle d’interface !

  Le but de mon intervention au 2e tour doit toujours être d’aider l’autre, de l’éclairer et de consoler. Toute pression ou volonté de convaincre peut se retourner en son contraire ! Si mon coéquipier ne se sent pas profondément compris, il lui sera difficile d’accepter l’invitation à suivre Jésus de plus près dans sa vie. Faire la morale isole son destinataire, des conseils d’ordre psychologique le réduisent au rang d’assisté, ce qui ne peut pas être le rôle d’un partage spirituel. Ma liberté propose quelque chose à une autre liberté en s’engageant elle-même dans une optique d’amour fraternel, voilà qui est ignatien !

Questions pour l’échange en tandem et notre 2e tour :

1. Nous est-il déjà arrivé / nous arrive-t-il régulièrement en groupe de faire le lien entre nos partages et l’évangile ? Un ou plusieurs exemples ?

2. Quelle(s) difficulté(s) est-ce que je vois dans mon groupe à faire davantage le lien entre nos partages et la vie du Christ ? Quelle(s) chance(s) ?

Josy BIRSENS sj
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