Envoyés et soutenus en communauté
La CVX LU s’est réunie le 3 avril 2011 pour célébrer la Journée Mondiale. Ce fut l’occasion d’approfondir la dynamique du DESE et tout particulièrement l’envoi et le soutien. La journée s’est terminée par les élections du nouveau "Team National" et l’Envoi par la communauté à la fin de l’eucharistie.

Introduction

  Ce sont les lettres E et S du DESE (envoyer et soutenir) qui nous posent le plus de problèmes. Nous avons peu d’expériences d’envoi, et le soutien pour ma propre mission par le groupe n’est pas toujours évident.

  En caricaturant un peu, on peut dire que nous nous considérons souvent comme des combattants solitaires : chacun doit faire son match là où il vit et en porter la responsabilité en essayant de faire de son mieux. Cet individualisme fait partie de notre culture (idéal du « self-made-man ») et il a souvent été promu aussi par la spiritualité, y compris ignatienne : appelé personnellement, envoyé individuellement en mission et responsable tout seul devant Dieu !

  Nous voulons approfondir aujourd’hui l’élément communautaire de notre vocation et éclairer sous cet angle l’envoi et le soutien.

Une expérience : l’envoi du nouvel Exco à l’Assemblée Mondiale de Fatima 2008 (Josée )

1. La communauté autour de Jésus comme point de départ pour et point de rencontre après la mission

Jésus a voulu associer et faire participer ses disciples, les 12 apôtres et les 72 disciples, à sa mission :

  Mc 3, 13-19 : « Il monte dans la montagne et il appelle ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher ». Un élément communautaire est présent dès le début ; en partageant la vie de Jésus, les douze apprennent ce qu’ils ont à faire et à dire, et comment le faire.

  Mc 6, 6-13 : « Il fait venir les douze et il commença à les envoyer deux par deux. » A deux, on peut se soutenir et se compléter l’un l’autre, et le témoignage de cet être-ensemble est au moins aussi parlant que les paroles de la prédication ! De même, les 72 disciples sont envoyés deux par deux (Lc 10,1-16).

  Après leur première mission, Jésus veut s’éloigner avec les disciples pour être seul avec eux : partager en communauté leurs expériences, s’enrichir mutuellement par ce qu’ils ont vécu, acquérir un nouveau regard par les ressemblances et les différences de leurs vécus, se laisser conduire par Jésus dans une profondeur plus grande – ce que nous essayons de faire avec la relecture dans nos groupes !

  De cette manière, les disciples sont amenés à faire l’expérience de la communauté et du fait qu’ils sont en bonnes mains auprès de leur maître et Seigneur. Il ne s’agit pas de n’importe quelle communauté, mais de celle autour de Jésus !

2. Communauté et envoi chez les premiers chrétiens

Après la résurrection de Jésus, les apôtres sont envoyés ensemble en mission et rendent témoignage en communauté de leur foi.

  Mt 28,16-20 : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples (...) Et moi, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. » Les onze apôtres se rendent ensemble sur la montagne en Galilée, comme autrefois pour la proclamation des béatitudes. Différents sentiments les habitent : peurs, doutes, joie, espoir, amour, ... La mission de Jésus leur est définitivement confiée et ils peuvent être assurés que Jésus continue de rester au milieu d’eux, comme cela avait été promis au début de l’évangile de Mathieu : il s’appellera Emmanuel = Dieu avec nous.

  Comment les apôtres et les premiers chrétiens remplissent-ils leur mission ? D’abord en étant beaucoup ensemble, en priant et en prenant soin de la communauté. Ac 1,12-14 : après l’Ascension, ils vont ensemble « dans la chambre haute où ils se retrouvèrent (...) Tous, unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus. » - l’importance de la prière dans nos réunions CVX aussi !

  Les prochains chapitres des Actes des Apôtres rapportent la naissance et les soins apportés à la communauté de Jérusalem : les premiers chrétiens mettent ensemble leurs possessions, vont ensemble prier dans le Temple et célèbrent dans l’eucharistie la permanence de la présence du Christ ressuscité (Ac 2, 43-47 ; 4, 32-37).

  La prédication et les premiers signes opérés (guérisons de malades) amènent une foule d’adhérents à la jeune communauté, en sorte qu’elle doit commencer à mieux se structurer : sept diacres sont choisis pour seconder les apôtres. Devant toute la communauté rassemblée, les apôtres leur imposent les mains comme signe de leur envoi, de leur participation à la mission de la jeune Eglise (Ac 6, 1-7).

  Lors de l’envoi de Paul et Barnabé (Ac 13, 1-3), il ressort clairement du texte que les deux apôtres des gentils sont choisis et envoyés par toute la communauté. Ils ne se donnent pas un envoi à eux-mêmes, mais leur mission leur est confiée dans le cadre de la communauté après que tous ont prié et jeûné ensemble. Ici aussi le geste de l’imposition des mains exprime l’engagement de toute la communauté.

  Ces exemples montrent bien que la communauté des chrétiens voulue par Jésus doit aussi être soignée et entretenue : la confiance doit grandir, l’orientation sur la mission de Jésus doit être garantie, des rituels communs sont inventés et soignés, et la communauté recherche toujours à nouveau des solutions pour répondre à des défis nouveaux. L’envoi des différents apôtres se fait au nom de et pour toute la communauté. Sommes-nous assez conscients que la mission des différents membres de nos groupes concerne tout le groupe et lui apporte un ‘plus’ ?

Photo : L’envoi du nouveau Team national (le 3 avril 2011)

3. Communauté et soutien dans les Actes des Apôtres
Même si les Actes des Apôtres rapportent à longueur de chapitres les actes (héroïques) et la prédication de différents apôtres ou disciples (Pierre, Etienne, Philippe et Paul), le lien de ces figures avec la communauté est toujours à nouveau souligné.

 Après la citation de Pierre et Jean devant le grand conseil pour vérifier leur orthodoxie, ils reviennent dans la communauté des chrétiens. Toute la communauté se met alors à prier pour avoir la force et le courage d’annoncer l’évangile (Ac 4, 23-31).

 Après sa conversion, Saul a besoin d’Ananias, un disciple de Damas, comme pont pour entrer dans la communauté des chrétiens (Ac 9, 10-18).

 Quand une famine éclate, la communauté d’Antioche se met à récolter des fonds pour soutenir les frères et sœurs en Judée. Ils envoient leurs dons par l’intermédiaire de Paul et de Barnabé (Ac 11, 27-30). Dans l’épître aux Romains, saint Paul parle d’un soutien des chrétiens de Grèce et de Macédoine pour « les pauvres et les saints à Jérusalem » (Rom 15, 25-29). Le soutien entre chrétiens ne doit donc pas être seulement spirituel !

 Plus d’une fois, Paul relate sa joie de pouvoir profiter du soutien de la communauté chrétienne, p. ex. en Ac 18,15 : quand, après un voyage long et périlleurx, Paul arrive enfin à Rome et que les frères viennent à sa rencontre, « en les voyant, Paul rendit grâces à Dieu : il avait repris confiance. »

 Ces exemples peuvent nous donner à réfléchir à l’aide et au soutien que nous vivons dans nos groupes ou dont nous pouvons bénéficier. Peut-être cela se passe déjà comme tout seul, peut-être avons-nous quelque chose de neuf à découvrir ou approfondir en ce qui concerne le soutien par la communauté du groupe ou par toute la CVX-LU ?

4. Communauté, envoi et soutien chez Ignace et les premiers compagnons

– Après qu’Ignace et les premiers compagnons ont terminé leurs études à Paris, ils s’en vont par petits groupes à Venise et dans d’autres villes d’Italie du nord où pendant des mois ils prêchent, catéchisent et quémandent leur nourriture pendant la journée, puis se retrouvent le soir pour prier, partager leur maigre repas et échanger sur leur journée. Encore des années plus tard, ils parleront de cette expérience comme de leur « Eglise primitive » ! Chaque communauté a ainsi besoin de temps forts !

– Quand les premiers compagnons, qui se sont mis à la disposition du Pape, sont envoyés dans différents pays du monde, ils se posent la question s’ils vont se constituer en ordre religieux pour protéger ainsi leur expérience commune et les liens qui se sont noués entre eux. Ainsi en arrivent-ils en 1539 après un discernement communautaire de plusieurs mois à décider de s’unir effectivement en ordre religieux et à confier à Ignace la charge de premier préposé général.

– Un des moyens qu’Ignace trouve pour renforcer le sentiment d’appartenance commune entre jésusites, est de leur ordonner de rester en contact épistolaire les uns avec les autres. Ignace lui-même écrit plus de 6000 lettres et il ordonne que chaque supérieur de communauté écrive au moins une fois par an à Rome. Des extraits de ces lettres sont recopiés ou imprimés pour être lus dans toutes les communautés de jésuites (« lettres édifiantes »).

– Des temps d’expérience spirituelle ou humaine commune créent des liens qu’il est important de maintenir quand un groupe ne peut plus vivre ensemble avec la même intensité. Est-ce que dans nos groupes et en CVX-LU nous profitons assez de moments spirituels et humains intenses ? Et nous donnons-nous les moyens pour consolider et protéger ce qui a grandi ?

Conclusion

  Nous sommes plus intégrés dans une communauté que nous en avons conscience ! Notre foi est fondamentalement communautaire : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18,20)

  C’est comme communauté aussi que le Christ nous rassemble toujours à nouveau et nous envoie pour prendre part à sa mission. Tout engagement individuel concerne aussi toute la communauté qui grandit et se développe de cette manière. A nous d’inventer de bons moyens pour nous soutenir et des gestes symboliques pour une nouvelle mission confiée à quelqu’un !

  Dans son homélie à Bruxelles en septembre dernier devant des jésuites, desmembres de la CVX et d’autres amis ignatiens belges et luxembourgeois, le P. Général Adolfo Nicolás a dit ceci sur la communauté en lien avec la mission : « (...) le type de mission qui donne le plus de fruits, c’est celle portée en communauté, et non individuellement. Seul Jésus peut s’identifier avec le Royaume de Dieu, comme les Pères de l’Eglise le disaient. Pour nous, c’est la communauté qui donne la crédibilité et même façonne la mission, parce que la communauté est la forme du Royaume de Dieu. La mission ne peut être vécue qu’à partir d’une communauté où l’amour, la joie et l’espoir sont des choses claires et évidentes. » (cf. Texte dans la revue « Vies consacrées », n° 1/2011, p. 6-7) Des lignes à méditer !

Josy Birsens s.j.
Marie-Christine Ries

Josy BIRSENS sj
Marie-Christine RIES
16 avril 2011
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